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C’est un temps difficile celui de l’enfance dans ce pays de landes. Un temps court avant de prendre sa part de travail aux champs ou avec le troupeau. C’est aussi celui des dangers qui guettent les enfants à la santé fragile. Le recours aux médicaments est inconnu alors, en dehors d’une pharmacopée familiale de plantes et de recettes populaires. C’est alors que la protection des sources doit jouer son rôle salvateur. 

La Libération a marqué notre histoire sociale par les avancées exceptionnelles dont elle fut l’époque, fruits des « Jours Heureux », le programme du Conseil National de la Résistance. La défense de la santé des enfants, ne fut pas la moindre d’entre elles, avec la Protection Maternelle et Infantile, la PMI, pilotée aujourd’hui par les Conseils Départementaux.

Depuis, la grossesse est suivie dès les premières semaines, après la naissance les visites chez le pédiatre sont obligatoires, et la pharmacie est souvent au coin de la rue. Cette généralisation de la surveillance médicale et sociale des enfants concerne sans distinction toute la société. Pourtant, dans les Landes de Gascogne au-delà du cadre médical, recherche-t-on encore parfois dans des pratiques et croyances venues de loin une assurance complémentaire, un surplus de précaution, une sorte de mutuelle de la santé et du bon développement.

Il ne s’agit pas bien sûr d’une quelconque méfiance vis-à-vis de la science médicale. On ne remettra pas en question l’autorité d’un diagnostic et l’efficacité d’un traitement, mais cet univers des croyances est un peu comme un fond de garage dont on aurait hérité. On y trouve déposé un peu de tout qu’on transmettra à notre tour, dont on ne doute pas de la pertinence sans être toutefois en mesure de l’expliquer. On y va parce qu’on y croit, on y croit parce que ça marche. Dans ce territoire des Landes de Gascogne, les fontaines guérisseuses représentent 10 % des 2000 sources guérisseuses répertoriées en France.

Felix Arnaudin Fillette

                                                          F. Arnaudin;Fillette d Anna Laharie, 3 septembre 1899. Coll Musée d'Aquitaine

C’est ainsi qu’il arrive aujourd’hui qu’on se rende toujours avec les nouveaux nés à la fontaine de St Eutrope à Trensacq, Saugnacq et autres lieux, à Ste Ruffine à Biganon ou encore à la Houn de la Langas à Pissos, ou bien à la pierre de Griman à Sabres. Les ordonnances de la tradition, semblent donc encore valoir celles du médecin.

Dès sa conception, l’enfant à venir dans la société traditionnelle est entouré d’un univers magique, de croyances, de lieux et de pratiques, présumé favorable à son avènement et à sa croissance. Ainsi la mère est-elle durant toute sa grossesse sujette à des interdits, que l’on retrouve d’ailleurs dans un certain nombre de sociétés rurales : ne pas croiser les jambes ni dévider les écheveaux de fil au risque de nouer le cordon, ne pas approcher la mort au risque de celle de l’enfant ou de l’assurance qu’il ait un teint livide…Pour avoir du lait elle ira par précaution dans les anfractuosités calcaires de quelques fontaines lécher l’eau qui suinte des stalactites (grottes de Las Mammas à Lucbardez, ou à Sore) et s’en frotter les seins (las mammas) ou visiter les nombreuses fontaines à lait à Belhade, Argelouse, Hostens…

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                                                          Panneau indiquant la fontaine St Eutrope (F.Deyris)

Dans une époque où la mortalité infantile est très élevée on cherche à protéger l’enfant à la fois des maladies connues ou des maux relevant de forces négatives et d’influences néfastes, sans pour autant qu’on soit en mesure de les nommer, ni d’en connaître l’origine. Faute de médicaments, pour les maux bénins, on va chercher dans la boîte à clous des pratiques, quelque recette familiale ayant déjà fait ses preuves et que l’on se transmet, comme aujourd’hui on se transmet la recette du Coca sans bulles pour atténuer les effets des gastro-entérites.

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                                                         F.Arnaudin_Ychoux, Fontaine de Sainte-Rose, Harioou. Coll Musée d'Aquitaine

Pour les maux plus graves en revanche, qu’il s’agisse d’en guérir l’enfant ou de l’en préserver, on a recours aux fontaines. Sa vie durant il en recherchera la bienfaisance. La cartographie des sources, et des prescriptions qui leur sont attachées, donne une idée assez précise de l’état sanitaire de la population et des maux les plus courants dont elle était frappée. Pour s’en tenir aux enfants, les diarrhées qui auraient résisté aux recettes familiales sont soignées par la fontaine Notre Dame de Mimizan, les tremblements sont du ressort de Saint Orens à Moliets, les croûtes de lait, qui sont ces croûtes de sébum apparaissant sur la tête des jeunes enfants, sont l’affaire de nombreuses fontaines (Ste Ruffine à Biganon, Ste Rafine à Aureilhan…).

Les enfants anémiés, blasits, au teint livide (leur mère ayant sans doute croisé un mort) étaient recommandés aux fontaines dédiées à Saint Blaize. Les estropiés, ou ceux dont l’apprentissage de la marche restait difficile fréquentaient Ste Eutrope, comme pour « la fièvre des yeux » (sic) on faisait ses ablutions dans les fontaines St Clar…la toponymie des fontaines, relevait souvent de la technique marketing du Port-Salut. L’église ne les avaient d’ailleurs pas toutes consacrées, sans que l’on sache exactement pourquoi, mais celles qui ne bénéficiaient pas de l’autorité d’un saint n’en étaient pas moins fréquentées, comme la fontaine las Langas à Pissos.

Pierre de Griman a Sabres Photo Les pins Parleurs

                                                                          Pierre de Griman à Sabres.(Les Pins Parleurs)

Bien sûr, aujourd’hui il pourrait paraître étonnant que ces lieux soient encore l’objet d’une fréquentation assidue. Pourtant, lorsqu’on y accède, parfois après un cheminement compliqué, il n’est pas rare de trouver les linges, qui ont servi aux ablutions, accrochés ci et là, sur les branches à proximité. Lors de la tempête Klaus nous allâmes à la pierre de Griman dans le quartier de Tauziet à Sabres de crainte que les travaux de débardage n’aient abîmé les lieux. Nulle indication n’oriente le visiteur vers ce lieu, dédié à l’apprentissage de la marche. Et là, au milieu des ajoncs et des fougères, des chaussons de laine et des paires de petits souliers à moitié mangés par la mousse témoignaient de l’attachement persistant à ces lieux et de la confiance accordée à leurs vertus.

Programme de la journée des enfants, mardi 8 mai.

Découvrir les sources:

En Pays Morcennais

Dans les Landes d'Armagnac

Quelques articles sur le même thème:

Sur la Pierre de Griman par Les Pins Parleur.

Sur les Fontaines qui guérissent par Frédérique Deyris.

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